Tant qu'on y est ...
Quoi de plus stupide que d'invoquer la tradition pour perpétrer l'injustice ou la cruauté par une simple référence au passé? II y a sans doute eu des traditionalistes pour défendre le bûcher en place publique ou le mariage forcé, comme il y en a aujourd'hui pour défendre ce qui appartient à l'histoire, du moment qu'ils y trouvent un avantage personnel. L'excision, le mariage arrangé, la sujétion des femmes restent des traditions dans bien des pays. Dans le Médoc, les braconniers tirent les palombes au retour de migration parce que c'est la tradition, de même que, dans les zones tribales du Pakistan, on viole les jeunes filles sur la place publique pour les punir de crimes qu'elles n'ont pas commis et agir ainsi comme les ancêtres. Le mot tradition ne fait d'ailleurs guère moderne, et on lui préfère celui de culture, qui l'est davantage: culture de la chasse, culture d'entreprise...
Qui, s'étonnant de la perpétuation d'une coutume stupide ou révoltante, ne s'est entendu opposer la tradition comme un argument massue? Le plus étonnant est que la loi de la République française intègre cette donnée obscurantiste qui échappe à toute rationalité comme à l'idée même du droit. C'est ainsi que les sévices envers les animaux sont condamnés par la loi, mais que la torture tauromachique est autorisée en fonction d'une «tradition locale ininterrompue». On ne saurait trop conseiller aux jeunes de Strasbourg et d'ailleurs qui ont pris l'habitude de brûler des voitures à la Saint-Sylvestre de persévérer et de tenir bon jusqu'à être légitimés, eux aussi, par une «tradition locale ininterrompue». Ou une culture de la voiture incendiée.